Qui portera le chapeau ?

paru dans la "Lettre du Laser n°18 - Printemps 96"

Ami(e) lasériste, l’AFL est divisée. Standard contre Radial ? Non, non pas du tout. De ce côté, tout va bien. Nombre de coureurs naviguent avec l’un et l’autre support et en retirent du plaisir. La division, dont je parle est beaucoup plus ancienne. Elle date d’avant l’invention du Laser Radial et peut être même d’avant celle du Laser tout court. On ne la voit pas du premier coup d’oeil. Pourtant, elle est là latente, lancinante. Même le bureau de l’AFL est gravement touché. Et personne n’ose en parler. Aujourd’hui, il est temps de mettre le problème sur la table.

Lorsqu’on observe la flotte des laséristes, on constate qu’elle est coupée en deux : d’une part les porteurs de casquettes et d’autre part les porteurs de visières.

Entre ces deux camps résolument opposés, on trouve des indécis qui n’ont pas encore choisi et quelques irréductibles minoritaires, porteurs acharnés du bob ou porteurs saisonniers de bonnets, cagoules ou autres passe-montagne.

Pour ma part, je suis devenu avec le temps un inconditionnel de la casquette. J’avais démarré prudemment dans le camp des indécis. C’est la navigation dans la brise qui avait fini par me décider. Au près, il est particulièrement important de réaliser des virements de bord très rapides. Le gain au vent demande tellement d’efforts que c’est dommage d’en perdre le bénéfice en faisant un virement « pépère » qui laisse ralentir le bateau et le fait dériver. Mais lors d’un « virement sauvage », il faut se baisser beaucoup et très vite pour éviter la bôme, surtout avec des ballasts. Il m’est ainsi arrivé plusieurs fois, dans la fougue de l’instant, d’aller m’exploser le front ou le nez sur le taquet du bord opposé. C’est très douloureux, ça vous laisse sonné quelques instants et surtout c’est assez peu valorisant de rentrer à terre avec la marque du taquet imprimée sur le front. J’ai eu la révélation le jour ou j’ai constaté que ce genre d’incidents n’arrivait jamais avec une casquette ou une visière. La visière (de la casquette ou de la visière) touche le bord du cockpit bien avant que votre nez ou front ne l’atteigne. Le choc vous est épargné. Ce fut une vraie délivrance, presqu’autant que si j’avais été sûr de ne plus jamais dessaler à l’empannage.

Au largue, autre intérêt, il vous suffit quand vous voyez qu’une vague va vous exploser au visage de baisser un peu la tête. La visière vous protège une partie du visage, elle vous permet de garder les yeux ouverts plus souvent, elle préserve la crème solaire plus longtemps.

Bien entendu, l’incident pour lequel vous n’êtes pas protégé, c’est le stick dans l’oeil. Cela peut arriver au cours d’un largue fumant, lorsque dans une risée vous abattez brutalement pour sauver les meubles. Les parades à cet incident seraient ou le port d’un masque d’escrimeur (qui permet aussi une économie de crème solaire) ou l’utilisation d’un stick de gros diamètre.

L’immense supériorté à mon sens de la casquette sur la visière, c’est qu’elle ne peut pas vous glisser sur les yeux.

A cet argument, Olivier FAUCON, farouche partisan de la visière, répond que le problème ne se pose pas avec une bonne visière. Une de celles ajustables avec une sangle réglable et non un vulgaire élastique. De plus, on peut porter sa visière autour du cou lorsqu’on n’en a pas l’usage.

Qu’est-ce qui motive le choix de l’un ou l’autre couvre-chef ? J’ai posé la question suivante à quelques coureurs.

Portes tu une visière ou une casquette et pourquoi ?

G GRENIER : « une casquette pour éviter les coups de soleil sur le sommet du crâne »

P. MARCON : « une visière pour être plus charmant »

R. BERENGUIER : « une casquette pour avoir chaud à la tête. »

X. LECLAIR : « une visière parce que j’aime bien avoir les cheveux dans le vent. »

La flotte des laséristes dissimule aussi quelques originaux :

D. RIVEUR : « un gibus ou chapeau claque. Il est particulièrement adapté à la pratique du Laser. Il suffit de l’aplatir avant chaque virement de bord ou empannage et de le redéplier après. Je l’assure avec un bout. »

E. ROPACUP : « Rien du tout, je suis totalement opposé au port de tout signe ostentatoire d’appartenance à un groupe. Les porteurs de couvre-chef devraient être interdits de départ par le comité de course où sanctionnés par le jury. »

Q. NINGHAM : « Avant je portais un canotier, mais le jury me soupçonnait toujours d’utiliser des moyens de propulsion illicites. J’ai dû renoncer. Je pense m’orienter vers le chapeau texan. »

Mais la réelle alternative pourrait être ailleurs. Regardez Olivier MOREL. C’est un des plus ardents défenseurs du bob, au point que certains sur les parkings à bateaux l’ont surnommé justement « Bob ». On se rappelle aussi qu’Olivier fut un des premiers à soutenir et à encourager la pratique du Laser Radial. Alors est-ce là encore une vision prémonitoire. Ecoutons le :

O. MOREL : « Je porte un bob pour trois raisons :

  1. pour me protéger des coups de soleil,
  2. pour protéger les yeux de la réverbération, un bob de couleur sombre bleu marine ou jean.
  3. pour protéger les sinus quand il fait froid et qu’il pleut. Ca évite d’attraper des sinusites.

Je n’aime pas les visières parce qu’elles se prennent dans la bôme. Un bob couvre la nuque et les oreilles et ça évite les coups de soleil alors que la casquette ne protège que l’avant. Ca fait 10 ans que je cours avec un bob. »

Le débat est loin d’être clos. Chacun campe sur ses positions. Seul l’avenir pourra nous éclairer.

Notre sélectionné olympique national sera-t-il un porteur de casquette ou de visière ? Et le podium olympique, à qui sera-t-il favorable ?

Réponse : le sélectionné Français aux jeux d'Atlanta était Guillaume Florent, invétéré porteur de casquette (rose).

Le podium olympique a consacré :

  1. Robert Scheidt, Brésil, porteur de visière,
  2. Ben Ainslie, Grande-Bretagne, porteur de casquette,
  3. Peer Moberg, Norvège, porteur de casquette.