Conseils de Champion

Par Nick Burfoot - Champion du monde 1994 -
paru dans "la Lettre du Laser n°17" en français et dans "Laser World" 03/95 en anglais

Réglages de la voile

Bordure

Un Laser avec une bordure très étarquée n'est pas beau à voir et le rendement de la voile est en conséquence assez mauvais. Cela est très courant et a souvent joué en ma faveur, lorsque mes adversaires avaient déclenché le signal d’alarme alors que le vent commençait à monter. La bordure est le dernier réglage que vous devez toucher lorsque le vent monte.

La voile du Laser devient très plate lorsque nous prenons du hâle-bas et du cunningham. Ce phénomène est accentué par le haut de mât qui déverse sous le vent. Si nous n’avons pas un peu de creux quelque part dans la voile, le bateau n’avance pas. Le tiers inférieur de la voile est le meilleur endroit pour obtenir la propulsion car la gîte induite est moindre. Cela s’applique aux barreurs de tous les poids.

Lorsque le haut de mât déverse et que la chute ouvre, l’angle voile/vent est plus faible au tiers supérieur qu’au tiers inférieur de la voile. A mesure que la bordure est relachée, l’angle d’attaque du tiers inférieur de la voile converge avec celui du tiers supérieur. En conséquence, vous aurez un écoulement d’air régulier et uniforme dans toute la voile. J’utilise trois penons à différentes hauteurs sur le guindant pour le vérifier. Les trois penons au vent doivent monter au même moment. Si le penon au vent du haut monte alors que celui du bas reste horizontal alors larguer un peu de bordure permettra de les faire monter ensemble. Si le penon du haut est horizontal alors que celui du bas monte, la bordure doit être reprise.

La vitesse du vent réel à hauteur de la bôme peut être seulement égale à 50% de la vitesse du vent au sommet de la voile. Si vous regardez l’aile d’un avion long-courrier, vous verrez qu’à faible vitesse la cambrure de l’aile est à son maximum et qu’elle est réduite au fur et à mesure que l’avion se rapproche de sa vitesse de croisière. La partie supérieure plate de la voile correspond à la vitesse de croisière et le tiers inférieur est réglé plus creux pour une moindre vitesse de l’air.

Je ne connais pas de formule magique pour le réglage de la bordure. Mais je vous invite à expérimenter une navigation avec une bordure relâchée. Une légère variation du réglage de la bordure provoque une nette différence de vitesse sur l’eau. Le problème vient habituellement d’un manque de cunningham, trop peu étarqué pour donner à la voile un profil aérodynamique. Une bordure creuse doit en effet être compensée par une forte tension de cunningham. Remarquez qu’une bordure puissante travaille mieux sur une voile neuve parce que le creux reste plus avancé que sur une vieille voile détendue. S’entraîner avec une voile récente donnera de bonnes habitudes; les mauvaises habitudes viennent de l’utilisation de voiles défoncées.

Cunningham

Aucune quantité de rappel ne vous fera avancer sur l’eau si la poussée vélique est orientée sur le côté ou l’arrière du bateau. Le cunningham oriente le travail de la voile dans la bonne direction et par 15 noeuds de vent vous devriez avoir beaucoup de cunningham. En cas de doute, reprenez en. Le cunningham et le hâle-bas fonctionnent ensemble; le hâle-bas fait reculer le creux et le cunningham le fait réavancer. Chaque fois que vous toucher à l’un, posez vous la question de la nécessité d’ajuster l’autre aussi. Il est bon de s’entraîner avec une voile récente, car les variations de réglage du cunningham y sont très sensibles et vous avez besoin de développer ces sensations avant le jour de la régate.

Hâle-bas

Comme pour la bordure, il est facile de déclencher le signal d’alarme et d’utiliser trop de hâle-bas. La clé d’un bon règlage de hâle-bas est de ne l’ajuster qu’en dernier. Une fois que la bordure et le cunningham sont réglés et que vous pratiquez un rappel aussi dur et en planche que vous le pouvez, alors étarquez le hâle-bas jusqu’à ce que le bateau soit à plat avec les penons au vent qui remontent juste.

A ce moment là, vous naviguerez avec le maximum de vitesse et de cap. J’ai constaté par expérience qu’un ajustement d’un pouce (N.D.T. 2,54 cm) provoque une nette différence de vitesse et de cap. Dans un vent irrégulier, des gains importants sont obtenus en ajustant constamment le hâle-bas de sorte que vous soyez totalement au rappel, bateau à plat avec seulement les penons qui remontent.

Trop de hâle-bas réduit la force propulsive, ouvre la chute et diminue la capacité à faire du cap. Une tension de hâle-bas insuffisante rend le bateau surpuissant , le fait dériver sous le vent et compromet le cap. De même que pour le cunningham, les réglages du hâle-bas sont plus sensibles sur un gréement récent.

Au fur et à mesure de l’amélioration de votre condition physique, vous remarquerez que vous avez besoin de moins en moins de hâle-bas au près. Vous ferez plus de cap et naviguerez plus vite.

 

Technique

Barre et mouvement du corps

La technique au près est particulière à chaque individu. Un bon exemple est la différence entre moi-même et Hamish Pepper. J’ai tendance à piper et faire du cap alors que Hamish laisse courir et fait de la vitesse avec des résultats comparables. J’aime me concentrer à garder le bateau plat et mon corps haut au dessus de l’eau. De temps à autre, je fais le plus de cap possible, ce qui ne peut être fait qu’en gardant le corps au-dessus des vagues. Les mouvements de la barre sont réduits au minimum, car je préfère laisser le bateau se diriger lui-même, ce qu’il fait lorsque le gréement est suffisamment puissant. Un gréement sous puissant oblige à d’importants et fréquents mouvements du gouvernail pour mener le bateau à travers les vagues. L’équilibre longitudinal est conservé en s’asseyant en avant et en déplaçant le buste vers l’arrière pour éviter d’embarquer une vague dans le cockpit. La facilité consisterait à s’asseoir plus en arrière afin de conserver l’étrave haut au-dessus des vagues mais cela compromettrait la vitesse et le cap. Si vous êtes en forme et concentré vous pouvez toujours éviter de faire plonger l’étrave. Si vous n’êtes pas en forme et fatigué alors asseyez vous plus en arrière. Il est préférable d’enfoncer l’arrière que de naviguer tout le bord avec un cockpit plein d’eau.

Actions sur l’écoute

Avec 15 noeuds de vent, je suis poulie dans poulie 95% du temps. Cela correspond à ma préférence pour le cap. Quand vous naviguez au près avec le minimum de hâle-bas possible, il est préjudiciable de choquer l’écoute car la bôme remonte. Si vous voulez faire de la vitesse, vous devez augmenter la tension de hâle-bas avant de choquer. Avec une bonne condition physique et un gréement puissant, vous devriez pouvoir rester poulie dans poulie. N’ayez pas peur de pointer.

 

Préparation physique

Il est évident maintenant que vous ne pouvez mener le bateau à son maximum que si vous avez la capacité physique de le faire. Les meilleures intentions resteront sans effet si vous ne pouvez les mettre physiquement en pratique.

Ce qui me fascine dans le Laser, c’est de voir des barreurs de gabarits et de tailles très différentes. Malgré cela, nous coupons la ligne quasiment en même temps. Il est important de comprendre qu’un programme de préparation physique doit s’adapter aux besoins du barreur. J’aimerai vous faire part de deux points clés qui peuvent, je crois, aider tout lasériste. Ce sont : le travail des muscles antagonistes et la souplesse.

Travailler les muscles antagonistes

C’est la clé d’une force d’ensemble, d’une haute énergie, de la souplesse et de la prévention des problèmes de dos. L’entraînement physique traditionnel met l’accent sur le développement préalable des muscles utilisés sur l’eau. Il en résulte un déséquilibre entre les groupes musculaires agonistes et antagonistes. Le rappel utilise les muscles du devant de la jambe. Ce qui est nécessaire lors de la préparation physique est de travailler les groupes de muscles antagonistes pour garder un corps équilibré. Lorsqu’un groupe de muscle se contracte, les muscles opposés se relaxent. Si nous ne travaillons pas les ischio-jambiers, mollets, et lombaires alors les muscles utilisés au rappel ne pourront jamais totalement se détendre. Un muscle fonctionne d’autant mieux qu’il se détend entre deux séances d’utilisation intensive. Avant votre prochaine sortie, regardez la facilité avec laquelle vous pouvez amener votre tête sur vos genoux en ayant les jambes tendues. A votre retour, réessayez et notez combien vos ischio-jambiers sont devenus souples. Cela est dû à la sollicitation des muscles utilisés au rappel qui a permis aux ischio-jambiers de se détendre. Le but est d’être équilibré de sorte que tous les groupes musculaires puissent se contracter et se relâcher facilement.

Une séance de musculation habituelle pour moi dure 45 minutes et est composée des exercices :

Le développé couché permet de travailler les muscles opposés à ceux utilisés lorsque vous pompez ou agissez sur les réglages.

L’intérêt de ce travail est que vous pouvez aller directement d’une séance de musculation à une sortie dans la brise sans être fatigué. Les muscles utilisés sur l’eau sont totalement relâchés pendant la séance de musculation de telle sorte qu’ils sont prêts à l’action sur l’eau. La navigation relâche ensuite les muscles sollicités par la musculation qui récupèrent plus vite. A la fin de la journée vous aurez une pêche d’enfer ! Economisez le travail des muscles utilisés sur l’eau pour les moments où vous naviguez.

souplesse

Vous pouvez être le lasériste le plus en forme du monde, mais à moins d’avoir les muscles du haut des cuisses souples, vous ne serez pas capable de faire du rappel jambe tendue. Les muscles se contracteront toujours et vous serez en permanence affaissé. La souplesse est vitale pour le rappel à plat. Les étirements seront du temps perdu à moins que vos muscles soient équilibrés. Si vous faites beaucoup de vélo et d’entraînement sur l’eau alors vous verrez que vous pouvez faire du rappel plus à plat et plus longtemps si vous augmentez l’équilibre de vos muscles et leur souplesse.

L’autre région importante de souplesse est les ischio-jambiers. Lorsque vous faites du rappel à fond, et que vous voulez changer un réglage, traverser une vague, ou compenser une baisse momentanée du vent, vous avez deux options :

  1. Cesser le rappel et ramener tout votre corps vers le centre du bateau
  2. Pencher votre buste contre vos jambes tendues pour que les bouts de réglage soient accessibles.

Cette dernière solution est de loin la meilleure. Cela est efficace et réactif. Cependant, cela ne peut être fait seulement si vous avez des ischio-jambiers très souples, c’est à dire que vous pouvez amener votre poitrine contre vos genoux facilement. J’ai vu des barreurs naviguer au près dans les vagues en permanence dans une demi position de rappel parce qu’il n’avaient pas la capacité de se plier en deux pour éviter de laisser traîner leur corps dans l’eau lorsqu’il devaient traverser des vagues. Alors faites des étirements.

 

En conclusion

Cela peut être très excitant d’améliorer ses performances par vent modéré. Mais cela se fait souvent au détriment d’autres aspects de votre navigation. J’en ait fait l’expérience personnellement. Des nets gains de vitesse peuvent conduire à l’ignorance de certains aspects tactiques et à la frustration dans le petit temps lorsque les mêmes principes ne peuvent être appliqués; Il est important de veiller équitablement à tous les aspects et devenir ainsi le meilleur régatier possible dans tous les types de temps. C’est ce que j’essaye de réussir maintenant.