Le livre, "Régater en Laser" par Glenn Bourke, triple champion du monde de Laser, est disponible en Français. Il comporte 104 pages et plus de 150 photos. Ci-dessous un extrait du livre.
Attitude mentale
Le milieu de la voile est profondément divisé sur l’intérêt
de la régate en solitaire. J’ai beaucoup d’amis « voileux
», dont j’apprécie immensément la compagnie, qui ne
voudraient pour rien au monde naviguer sur un solitaire. Pour eux, on ne peut
faire de la voile sans l’effervescence et l’esprit de corps qui règne
sur un bateau mené en équipage.Quand j’arrivai à Perth
en 1986, cherchant à embarquer sur le 12 mètres de Iain Murray,
Kookaburra, il y avait une hiérarchie bien déterminée :
« tu es un nouveau ici et nous avons tout fait ici avant ». L’éclaircie
ne se fit pas rapidement, mais je suis heureux de repenser à cette période
parce que nous étions devenu une équipe merveilleusement solidaire,
totalement en confiance et croyant dans les capacités les uns des autres.
Cela est à mettre au crédit des talents de psychologue et de meneur
de Iain Murray.
Je dois probablement être le seul parmi cet équipage de 11 hommes
qui serait heureux sur un Laser ou un Finn. Pour moi, la navigation en solitaire,
c’est le summum. Je suis très pointilleux dans la préparation
du bateau. De tout avoir qui fonctionne parfaitement, me donne beaucoup de plaisir
et de contentement. Et il y a aussi l’émotion du combat, personne
à blâmer, personne avec qui partager les lauriers de la victoire
(ou le goût amer de la défaite).
Ce n’est pas un sport ou vous pouvez jouir de la passion des spectateurs.
Les journalistes et les équipes de télé font le maximum
pour couvrir le football, le cricket, le base-ball. Le plaisir doit venir de
faire vos propres choix, et de ne pas avoir besoin de partager les émotions.
Développer un état d’esprit
Se fixer des objectifs et les atteindre est le moyen le plus sûr de se
construire une approche gagnante du sport. Plus vous en atteignez, et plus vous
voulez en atteindre, particulièrement sur un solitaire. Il y a une dépendance
au plaisir, le succès s’auto-alimente.
Il est important de garder des objectifs réalistes. Pour moi, le simple
fait d’avoir bien navigué est suffisant quel que soit mon classement.
L’auto-analyse peut être un tyran implacable. Pour progresser, vous
devez le vouloir. Faites votre auto-bilan honnêtement et remédiez
à vos faiblesses. Acceptez les critiques des gens que vous connaissez
; il vaut mieux réaliser que vous avez un manque, et travailler dessus,
que de continuer dans la mauvaise direction.
L’ego joue un rôle majeur, même si les sportifs sont réticents
à l’admettre. Après tout, qui ne fantasme pas sur le fait
d’être sur le podium, se retrouvant sous les feux de la rampe. De
nombreuses personnes très motivées ont un ego élevé
qui nécessite une alimentation régulière par le sport ou
les affaires.
De nombreuses personnes aiment se vanter et expliquer aux autres comment les
choses devraient être. La marque d’un vrai champion, cependant, est
de pouvoir garder son ego sous contrôle et rester modeste et bienveillant.
L’ego ne nécessite pas d’être un monstre repoussant et
envahissant : dans les grandes flottes de Laser, il n’y a vraiment pas
la place pour un egomaniaque qui prendrait de gros risques. Le plus souvent
qu’à son tour, cela le mènera à l’abandon.
Pour réussir, vous devez avoir l’adresse statisticienne d’un
mathématicien, la dextérité analytique d’un scientifique,
l’esprit clinique d’un chirurgien, et certainement le plus important
la prudence d’un comptable. Mon approche est basée sur une simple
évaluation numérique. Il y a 7 manches, 9 bords par manche, un
certain nombre de bateaux à battre. Durant la course, j’essaye toujours
de doubler les bateaux devant moi, faisant de petits gains, revenant ensuite
au contact avec la flotte.
Il y a des joueurs dans la plupart des flottes, dont le sceau est de choisir
un bord, d’atteindre le bord du cadre. Quand cela adonne, ils sont temporairement
des héros, mais les statistiques sont en général contre
eux. Si vous avez une intuition qu’une bascule est en route, faites 80
pour-cent de chemin du côté permettant d’en bénéficier
et de doubler une poignée de bateaux, plutôt que de parcourir les
100 pour-cent dans l’espoir de passer la flotte entière : vous pourriez
complètement vous rater.
Evidemment, il y a un temps et une place pour tenter des paris calculés.
Etant un bateau strictement monotype, la plupart des Laser ont une vitesse relativement
similaire, ce qui rend le départ et le premier près de la plus
haute importance. Prévoyez votre stratégie en conséquence.
Si vous vous faites sortir au départ puis asphyxier, vous finirez 150ème
. Même une position de 30ème sera virtuellement impossible à
redresser, de sorte qu’il peut être temps de prendre des risques.
Efforcez vous de prendre un départ dans la moyenne, un peu mieux si vous
pouvez, et battez vous comme un fou durant le premier quart du près.
Dégagez vous et trouvez du vent frais. Si vous êtes enterrés,
alors tentez votre chance. Vous n’avez rien à perdre si vous commencez
à une mauvaise place. Mais vous avez une chance sur deux d’arriver
à une place raisonnable en accrochant une oscillation, en allant sur
le bord du cadre ou autre. Une 60ème place est aussi mauvaise qu’une
160ème dans une vue d’ensemble, mais une 20ème est bien meilleure
qu’une 60ème .
Concentration
En début de saison, je dois sérieusement travailler ma concentration.
En particulier, je suis préoccupé par des éléments
à l’intérieur du bateau alors que je devrais m’intéresser
aux événements extérieurs. Le développement de la
concentration se fait en intégrant complètement la mécanique
du bateau. Ne regardez même pas le gréement. Si la coque manque
de pression, alors une seconde nature doit être spontanément de
relâcher le cunningham et le hâle-bas, et peut être donner
du mou à la bordure et à l’écoute.
Bien sûr, ces automatismes ne se développent qu’après
avoir passé un nombre d’heures important d’entraînement
sur le bateau à s’appliquer à concentrer son attention longuement
en dehors du bateau. Le but est de devenir capable de faire des réglages
automatiquement durant une manche.
Les éléments variables sur lesquels se concentrer en régate
varient en fonction des priorités. Juste après le départ,
vous vous occupez évidemment des bateaux alentours, mais les vagues peuvent
être plus importantes. Enfourner dans une mauvaise vague à ce moment
et vous vous retrouvez enterré dans la flotte, alors l’essentiel
de votre attention devra s’appliquer à maintenir un bon passage
dans les vagues.
Une fois dégagé, votre priorité est la vitesse du bateau.
Concentrez vous sur celui des bateaux les plus proche qui justifie une attaque.
Pendant que le premier près se développe, la tactique entre plus
en jeu. Où sont vos principaux opposants ? Comment est située
la flotte ? Que fait le vent ?
Vous avez besoin d’apprendre à mener le bateau à l’instinct et au feeling, pour vous concentrer sur ce que font vos concurrents. |
Préparation du jour de la régate
J’ai structuré ma démarche, issue de nombreuses années
de compétition. J’aime avoir mon équipement prêt en
avance, laissant mon esprit disponible pour les problèmes de la course
du jour. Avant de le charger dans la voiture, je vérifie tout deux fois
: habits, bouts, voile, mât, safran et dérive pour être sûr
que rien ne va casser.
J’ai tendance à être énervé le matin, mais comme
je l’ai fait un grand nombre de fois ce n’est plus quelque chose qui
me gêne. Je sais que les troubles disparaîtront au moment où
j’irai sur l’eau.
Je n’aime pas me sentir pressé, alors j’arrive sur le site
de la régate suffisamment tôt. Quand j’entâme les différentes
tâches de préparation, par exemple polisher la coque, je deviens
calme, tranquille et contemplatif, une sensation que j’essaye de garder
jusqu’à la course.
Je grée plus tôt que la plupart des autres et je vais sur l’eau
plus tôt pour me familiariser avec les conditions. La seule chose dans
mon esprit à ce moment là est la course.
Cette démarche ne fonctionne pas nécessairement pour tout le monde.
Je connais des gens qui sont tout le temps en retard, qui virevoltent partout
comme des mouches bleues pour quémander et emprunter du matériel
oublié, et ne peuvent être motivés que s’ils sont sous
pression sur le point de prendre le départ. Je ne peux pas fonctionner
comme cela et je ne crois pas que cela marche pour beaucoup de personnes.
Pour les régates à l’étranger, et surtout dans les
pays qui ne sont pas de langue anglaise, j’examine les instructions de
course minutieusement à l’avance . J’en parle ensuite avec
d’autres compétiteurs, en se posant mutuellement des questions pertinentes.
Des choses aussi élémentaires que l’entretien du bateau et
le bien-être personnel doivent être traités tôt pour
éviter qu’ils ne se transforment en obstacle majeur. A la maison,
c’est facile; la perceuse électrique est adaptée à
la prise de courant, la nourriture est familière. Ailleurs ces choses
prennent plus de temps.
En régate, les gens qui ne parlent pas la langue ou le prétendent,
vont l’utiliser comme un truc pour se tirer d’un incident bâbord/tribord
ou d’eau à une bouée. Faites toujours comme s’ils savaient
parfaitement ce qui se passe et qu’ils essayent une duperie.
Debriefing
Si revenir après coup sur la manche ne va pas changer son résultat,
cela vous servira pour progresser dans la prochaine. Des difficultés
surviennent dans toutes les manches, qu’elles soient tactiques, ou de vitesse,
et les erreurs sont inévitables. Apprendre à partir d’elles
est le mieux que vous puissiez faire. A la fin de la manche, j’aime garder
une certaine distance avec les autres autour de moi. Il est difficile de me
parler tant que les événements du jour tournent dans ma tête.
Je pense être mon plus sévère critique, si bien que si je
commets une erreur, particulièrement une erreur déjà commise
par le passé, cela est consigné dans ma mémoire.
De même, vous devez être sûr de votre niveau de performance.
certains jours la chance ne tourne pas en votre faveur.
Corriger les erreurs
D’abord vous avez à reconnaître quelles sont les faiblesses.,
en général elles apparaissent en série, ensuite éliminez
les par l’entraînement.
Les erreurs tactiques ne sont pas si faciles à éliminer, puisque
le bon sens qui nous fait prendre instantanément les bonnes décisions
se développe seulement par l’expérience de la régate.
Les vieux routiers de la régate ont tout vu et savent instantanément
réagir. Quel dommage que l’on ne puisse pas mettre leur sagesse
dans un corps jeune.
Pour se tirer des contretemps durant une manche, rationalisez les. Si ce sont
des contre temps majeur alors faites tout de suite quelque chose à leur
propos. Ils peuvent souvent être source de grande inspiration.
A 17 ans, je courrais le championnat du monde Jeune en dans la série
des Moth. Parmi les concurrents se trouvait mon meilleur copain, à coté
de qui j’étais assis sur les bancs de l’école (nous
ne travaillions pas, nous griffonnions continuellement des bateaux et leur accastillage.)
Arrivé à la manche finale du championnat du Monde, seul lui et
moi pouvions encore gagner. Il me battit dans la dernière manche et ainsi
conquit le titre suprême de champion du monde.
Je me rappelle avoir été démoli pendant quelques temps
après. J’étais arrivé dans la compétition confiant
en la victoire et dans le fait de devenir ce grand champion, mais soudainement
il m’avait piqué le titre sous le nez.
Encore déçu, je rentrai à la maison et je repassais les
événements dans ma tête, et finalement me rendis compte
où se trouvaient mes faiblesses.. Ma détermination doubla; et
heureusement mon copain ne me battit plus jamais. Et je suis heureux de dire
qu’il est toujours un copain.
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Le livre est en vente chez :
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