L'UTILISATION DU COMPAS AU PRES EN LASER (1)

paru dans la "Lettre du Laser n°21 - Hiver 96/ 97"- Olivier Faucon

1. Qu'est ce que le "bon bord" au près lorsque le vent oscille?

La performance en voile dépend, chacun le sait, de deux grands paramètres -la "vitesse" et le "choix de la trajectoire"- qui confèrent respectivement à notre activité une dimension technique et une dimension tactique. Au près, le travail sur le facteur "vitesse" a principalement pour but l'amélioration du gain au vent (ou VMG), tandis que le choix de la trajectoire se résume à une alternative simple: à chaque instant (sauf en cas de gêne), on peut décider de virer ou de rester sur la même amure. Choix limité, certes, mais ô combien important, tout particulièrement en Laser dans la mesure où l'engin est lent et vire bien, ce qui minimise la perte au virement. Cette quasi-"gratuité" du changement de bord autorise le barreur à affiner son placement par rapport aux autres, ou à exploiter la moindre variation du vent. Ceci donne à la dimension tactique une importance majeure dans notre série, et contribue largement à son intérêt, comme à son succès.

Dans ce cadre, le choix de l'amure au près est lui-même sous l'influence de nombreux facteurs, dont les deux plus importants sont sans doute le placement par rapport aux adversaires et le placement sur le bord favorable par rapport au vent. Je vous propose dans ce qui suit, quelques remarques sur la notion de "bord favorable par rapport au vent" (BF/V), en restreignant encore le contexte au cas d'un vent oscillant autour d'une direction moyenne. Il faut bien sûr garder à l'esprit qu'en se focalisant ainsi sur un aspect aussi limité de l'activité, on opère une forte réduction dans la complexité des situations de navigations.

Muni de ces précautions, on peut faire le constat que le BF/V est au centre de nombreuses discussions d'après-manche, présent sous des expressions variées: "j'étais sur le bon (ou le mauvais!) bord", "j'ai eu une adonnante", "mon bord était rapprochant"... Mais si l'on veut lui donner une définition précise, on se heurte à une difficulté.

En effet, dans tous les cas, le BF/V est défini en comparant l'orientation instantanée du vent avec un axe donné. Lorsque le vent instantané se trouve confondu avec cet axe, il n'existe pas de bord favorable. Si au contraire le vent est décalé, il détermine un bord plus avantageux que l'autre: celui qui "rapproche" le plus de l'axe de référence, c'est-à-dire celui qui forme avec cet axe l'angle le plus fermé. On peut schématiser la règle de la manière suivante:

Mais cette apparente unanimité cache une question: quel est l'axe pris en référence dans la détermination du BF/V? A la réflexion, deux peuvent être pris en compte de façon pertinente: l'axe du parcours et celui du vent moyen.

Bien sûr, les deux axes sont parfois confondus: "mouiller le parcours dans l'axe" est même la première préoccupation de tout comité. Si c'est le cas, ce propos est sans objet. Mais en pratique, on sait bien que le vent moyen et le parcours sont le plus souvent décalés, pour de nombreuses raisons: rotation du vent moyen après l'établissement du parcours, axe délibérément mouillé de façon à anticiper une bascule attendue, perception différente du "vent réel" par les coureurs (entraînés par le courant) et par le comité (fixe par rapport au fond)... Ainsi, un décalage de 10° entre le parcours et la direction moyenne du vent est chose tout à fait banale: les coureurs ne s'y trompent pas, beaucoup cherchant avant le départ à "savoir si la bouée est à droite ou à gauche du vent".

Dans ce cas, choisir de déterminer le BF/V en utilisant le parcours ou le vent moyen n'est pas neutre, et peut parfois déboucher sur un résultat différent. On peut se trouver en effet à un moment donné, comme l'illustre le schéma suivant, sur un bord favorable par rapport à un axe et défavorable par rapport à l'autre: Schéma 2

Existe-t-il un axe qu'il est préférable d'utiliser plutôt que l'autre? A cette question, on peut chercher des réponses dans plusieurs directions:

J'ai tenté, l'année dernière d'apporter à ces trois questions des éléments de réponse, en consultant 17 livres ou articles techniques qui présentent une méthode de détermination du bord favorable dans un vent oscillant, et en interviewant par la suite 11 coureurs français de haut-niveau. Je vous propose, dans les deux prochains numéros de la "Lettre du Laser", une présentation des aspects qui m'ont semblé les plus intéressants . A suivre...